Nature en ville : faites circuler la biodiversité !
En 2014, 54 % de la population mondiale vivait en milieu urbain ; en 2050, ce nombre devrait atteindre plus de 60 %. Cette concentration humaine est strictement liée à une expansion des réseaux d’infrastructures et des surfaces urbanisées, au détriment des milieux naturels et des espèces qui y vivent.
Parallèlement, les milieux urbains peuvent constituer des refuges pour de nombreuses espèces animales et végétales suite à la destruction des espaces naturels et à l’expansion des milieux agricoles intensifs, peu favorables à leurs besoins. Une gestion judicieuse des espaces verts est donc fondamentale pour favoriser et préserver la biodiversité en ville.
Les principaux effets négatifs de l’urbanisation pour les espèces sauvages concernent la fragmentation et la modification des habitats naturels. En milieu urbain, le changement de nature du sol est l’un des facteurs influençant le plus les processus écologiques. En particulier, la proportion entre espaces imperméabilisés et espaces verts, ainsi que l’aménagement de ces espaces verts, jouent un rôle essentiel pour favoriser la biodiversité urbaine et ses dynamiques.
Créer des continuités écologiques
Définie comme « la diversité au sein des espèces et entre espèces ainsi que celle des écosystèmes », la biodiversité est en partie assurée par le libre déplacement des espèces, leur permettant de se nourrir, se reproduire et assurant un brassage génétique nécessaire au maintien de cette diversité.
Même si l’urbanisation ne concerne que 3 % de la surface du globe, elle constitue la principale cause d’érosion de cette biodiversité ; en créant des interruptions dans le déplacement des espèces, les villes représentent pour elles un obstacle majeur.
De multiples espaces de nature en ville existent pourtant ; ils se matérialisent par des éléments de nature maîtrisée (parcs ou les jardins) ou non (les zones délaissées ou les bords de voies de transport). Ils jouent un rôle essentiel pour les habitants en améliorant sensiblement leur cadre de vie et pour les espèces qui y trouvent de quoi se réfugier et répondre à leurs besoins vitaux. Tous les espaces urbains concourent donc globalement à la conservation de la biodiversité.
L’un des enjeux en écologie et en aménagement du territoire concerne le renforcement des continuités écologiques (ou corridors) pour favoriser le déplacement des espèces et assurer ainsi leur préservation.
Ces corridors se composent de tous éléments de nature qui peuvent servir de support aux espèces. Pour pallier à l’érosion de la biodiversité, les politiques de préservation de la nature et d’aménagement du territoire se sont progressivement articulées ensemble. La trame verte et bleue en est un bon exemple.
Institutionnalisée en 2009 et 2010 par les lois Grenelle, cette trame permet aux villes d’identifier, d’organiser et de planifier leur réseau de continuités écologiques. Les schémas des trames identifient différents « cœurs de nature » (réservoirs) ainsi que les interruptions sur un territoire. L’objectif est de repérer les interruptions du réseau de continuités écologiques pour cibler des zones « prioritaires » sur lesquelles il convient d’intervenir pour renforcer ou maintenir le réseau.
Ces « cœurs de nature » peuvent être des friches, des parcs urbains ou encore des jardins privés quand les autoroutes ou zones industrielles représentent, quant à elles, des obstacles au déplacement des espèces.
L’exemple des abeilles sauvages
La pollinisation est l’un des processus les plus affectés par l’urbanisation, en particulier celle effectuée par les insectes sauvages, comme les abeilles, les syrphes ou les papillons.
En France, parmi près de 1 000 espèces d’abeilles présentes, plusieurs centaines peuvent vivre en ville. L’abeille dite domestique – celle qui fait le miel – ne représente qu’une seule espèce. Les autres sont dites abeilles sauvages et incluent, par exemple, les bourdons. Les abeilles sauvages figurent parmi les plus importants pollinisateurs de plantes à fleurs sauvages mais aussi cultivées. Via ce service fourni à la société, elles sont fondamentales au maintien de la biodiversité. Mais la réduction d’espaces verts influence directement la survie des insectes pollinisateurs, ce qui affecte négativement les espèces végétales, du fait d’un manque de vecteurs pour le transport du pollen.
Les abeilles sauvages ont besoin d’espaces pour nidifier et de ressources pour se nourrir. La plantation de certaines espèces de plantes à fleurs, pouvant être butinées par plusieurs espèces d’abeilles sauvages, et une bonne gestion de ces espaces, peuvent assurer leurs déplacements et, en retour, garantir la pollinisation à plusieurs distances (les abeilles pouvant voler sur plusieurs centaines de mètres pour se nourrir, en fonction de leur taille et de la disponibilité des ressources).
La gestion différenciée des espaces verts publics peut, par exemple, jouer un rôle très important pour favoriser la diversité des espèces urbaines : la préservation des prairies fleuries, la conservation du bois mort et la présence de substrats à différentes granulométries (sable, terreau, etc.) sont une ressource pour les espèces ayant des besoins écologiques très variés.
La préservation des pollinisateurs peut également être favorisée par chacun d’entre nous au quotidien, en plantant des plantes à fleurs dans son jardin, sur son balcon ou sur les rebords des fenêtres. Des plantes aromatiques très utilisées par l’homme, comme la menthe, la lavande ou l’origan peuvent être visitées par plusieurs espèces d’abeilles ou de papillons. Pour les amateurs de bricolage, la construction d’hôtels à abeilles peut aussi faciliter l’accueil de certaines espèces dans son propre jardin.
Au-delà de l’enjeu écologique
La nature en ville représente également un enjeu social fort : vue comme source de bien-être, c’est aussi la seule nature présente dans le quotidien de millions de de citadins. La demande sociale pour un cadre de vie agréable et une plus grande place faite à la nature est en constante augmentation.
La nature constitue une composante à part entière du milieu urbain malgré la tendance fréquente à les opposer.
Au-delà du bien-être qu’elle procure, cette nature urbaine rend également de nombreux services dits écosystémiques à l’homme. Ces services se définissent comme les bénéfices, matériels ou non, que les hommes tirent des écosystèmes, comme l’approvisionnement en nourriture ou encore de maintien de la qualité de l’air. Parmi ces nombreux services, on identifie notamment celui de régulation du climat. La présence de végétation en ville peut en effet influencer le climat local et, par exemple, réduire la température en période canicule. Des programmes de recherche, à l’image du projet Climibio, s’y consacrent aujourd’hui.
Brandon Stordeur, Ingénieur d’études, programme de recherche régional Climibio, laboratoire TVES Lille, Université de Lille; Alessandro Fisogni, Post-doc, programme de recherche régional Climibio, laboratoire EEP, Université de Lille; Marion Brun, Docteure en aménagement de l’espace-urbanisme, ingénieur de recherche sur le projet de Climibio, laboratoire TVES, Université de Lille et Natasha De Manincor, Doctorante Interaction interspécifiques, écologie évolutive et reproduction, laboratoire EEP, Université de Lille
Cet article est republié à partir de The Conversation sous licence Creative Commons. Lire l’article original.